Jean-Yves Dionne

lundi 21 juin 2010

La glucosamine interfère-t-elle avec le diabète et l’insuline?

Question maintes fois posée. Les sources Internet, comme d’habitude, abondent de contradictions. Alors, voici la réponse de votre apothicaire qui, je l’espère, devrait clore le débat. Hmm… Il me semble avoir déjà lu ça quelque part…


La glucosamine est une molécule qui sert de bloc de construction pour les tendons, les ligaments, le cartilage, le liquide synovial (articulaire), les vaisseaux sanguins, les valves cardiaques et les muqueuses. La popularité des suppléments de glucosamine grandit auprès des professionnels de la santé et de la population en général pour leur usage dans les problèmes articulaires comme l’arthrose ou ostéoarthrite. Par contre, plusieurs professionnels hésitent à recommander la glucosamine à cause d’une interférence possible avec le diabète et son traitement.

Les autorités ne s’entendent pas. Certains affirment que la glucosamine augmente la résistance à l’insuline (diminution de la sensibilité des récepteurs à l’insuline) et aggrave le diabète. D’autres soutiennent, au contraire, que la glucosamine pourrait améliorer le contrôle de la glycémie (taux de sucre dans le sang).

D’où vient cette controverse?

Deux faits portent facilement à confusion. D’abord, la glucosamine est une molécule qui, comme son nom le dit, contient du glucose associé à une amine (dans le corps, cette dernière provient de l’acide aminé glutamine). Le glucose est un sucre, et tout le monde sait que les sucres ne sont pas recommandés pour les diabétiques! Ce qu’il faut savoir, c’est que la glucosamine ne peut pas être scindée en ses deux constituants par l’organisme. Elle est utilisée ou éliminée toute entière. Aucune molécule de glucose ne s’échappe donc de la glucosamine pour faire augmenter les taux sanguins de sucre.

La deuxième source de confusion vient des études in vivo sur la résistance à l’insuline. Dans ces études, on a soumis des animaux à une injection continue (perfusion) de glucosamine dans le sang qui permet de simuler la résistance à l’insuline (taux sanguins d’insuline et de glucose plus élevés). À l’arrêt de la perfusion de glucosamine, les taux d’insuline et de glucose retombent à la normale. Il est clair qu’une perfusion de glucosamine à haute dose interfère avec le diabète et la mesure de la glycémie. Cependant, les résultats d’une perfusion à haute dose chez des animaux ne peuvent aucunement être comparés à la prise orale chez des humains. D’ailleurs, qui prendrait environ 30540 mg de glucosamine par jour? C’est pourtant ce que devrait consommer une personne de 70 kg pour que la dose soit équivalente à celle donnée en perfusion aux animaux en laboratoire (435mg/kg/jour).

Évaluation du contrôle du diabète

En 2003, une étude a évalué les effets de la glucosamine sur le contrôle de la glycémie de patients souffrant de diabète type 2.(1) Les chercheurs n’ont constaté aucun changement cliniquement significatif du métabolisme du glucose chez ces patients.

Les substances qui servent à évaluer le contrôle du diabète sont des métabolites glycosylés (ex: hémoglobine glycosylée HbA1c). Ces molécules, normalement absentes chez l’individu sain, apparaissent lorsque la glycémie demeure trop élevée pendant quelque temps. Les taux sanguins de ces substances indiquent donc le niveau de contrôle du diabète. Après 90 jours de prise de glucosamine, les chercheurs n’ont noté aucune augmentation significative des taux de métabolites glycosylés. Ils concluent donc que la glucosamine n’aggrave pas le diabète. Toutefois, par prudence, ils recommandent à tout patient atteint de diabète qui commence à prendre de la glucosamine de surveiller de près sa glycémie.

La glucosamine pourrait améliorer le contrôle du diabète

En novembre 1999, avant la publication des résultats de leur étude, les collaborateurs du Dr JY Reginster, auteur des études les plus importantes sur la glucosamine (2), ont soutenu dans une lettre au journal The Lancet(3) que la glucosamine n’augmente pas la résistance à l’insuline. Plutôt que de se détériorer, le contrôle de la glycémie chez les patients diabétiques ayant participé à l’étude semble s’être amélioré. La glycémie à jeun de ces patients avait tendance à se normaliser. Donc, lors d’un usage oral (par opposition à une perfusion), la glucosamine n’aurait pas d’influence négative sur le diabète et pourrait même avoir un effet positif.

Mesure de la glycémie

Même si la glucosamine n’affecte pas le diabète, un diabétique qui désire utiliser la glucosamine doit quand même être prudent. On présume que certains appareils de lecture de la glycémie (glucomètres) pourraient être trompés par la présence de glucosamine et produire des résultats de lecture faussement élevés appelés faux positifs. On base souvent cette supposition sur l’exemple de la vitamine C à haute dose que l’appareil de mesure peut effectivement confondre avec du sucre, mais qui n’affecte ni la glycémie, ni la maladie. Certains fabricants de glucomètres ont d’ailleurs commencé à annoncer que leur appareil n’était pas sujet aux faux positifs causés par la prise de glucosamine. (Je n’ai pas encore trouvé d’information valable sur ce point pour permettre une comparaison des différents appareils.)

Évidemment, toute fausse lecture peut affecter le suivi de la maladie. Comme cette notion n’est pas claire, on suggère à chaque patient de vérifier avec son propre appareil si la lecture de la glycémie est affectée.

Conclusion

Les études récentes ne supportent pas la thèse que la glucosamine interfère avec le contrôle du diabète. La seule mise en garde concerne l’influence potentielle de la glucosamine sur certains tests de mesure de la glycémie.

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Références:

1. Scroggie DA, Albright A, Harris MD. The effect of glucosamine-chondroitin supplementation on glycosylated hemoglobin levels in patients with type 2 diabetes mellitus. Arch Intern Med2003;163:1587-90.

2. Reginster JY, Deroisy R, Rovati LC et al. Long-term effects of glucosamine sulphate on osteoarthritis progression: a randomised, placebo-controlled clinical trial. Lancet 2001 Jan 27;357(9252):251-6.

3. Rovati LC, Annefeld M, Giacovelli G et al. Glucosamine in osteoarthritis (Letter). Lancet 1999;354(9190).

4. Echard BW, Talpur NA, Funk KA et al. Effects of oral glucosamine and chondroitin sulfate alone or in combination on the metabolism of SHR and SD rats. Mol Cell Biochem 2001;225:85-91.

5. Tannis AJ, Barban JB, Conquer JA. Effect of glucosamine supplementation on fasting and non-fasting plasma glucose and serum insulin concentrations in healthy individuals. Osteoarthritis Cartilage (2004) 12, 506–511.

1 commentaire:

  1. Bonjour M. Dionne,

    J'ai hâte d'avoir vos commentaires sur l'étude de Frédéric Picard sur la glucosamine.

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