Jean-Yves Dionne

lundi 23 novembre 2009

Peut-on prendre trop de calcium?

Cette question est bien légitime. Tout un débat entoure la notion de dose efficace et d’apport nutritionnel recommandé.

L’ANR selon la nationalité.

Saviez-vous que l’apport nutritionnel recommandé (ANR) varie selon le pays? Par exemple, en Amérique, l’ANR pour un adulte est de 1200mg de calcium élémentaire par jour alors qu’il n’est que de 800mg par jour en Europe et dans plusieurs pays d’Asie.(1,2) Si, comme nous le prétend le guide alimentaire canadien, cet apport est établi selon les critères scientifiques les plus rigoureux, alors comment se fait-il qu’il varie d’un pays à l’autre? Les données scientifiques traversent pourtant les frontières! Le plus curieux dans tout ça, c’est que l’ostéoporose n’est pas plus fréquente là où l’ANR en calcium est plus faible… D’ailleurs, des chercheurs ont montré, chez des jeunes femmes, qu’un apport supérieur à 800mg de calcium par jour n’apportait aucun bénéfice additionnel sur le développement des os.(3)

Plusieurs auteurs affirment qu’en Amérique, l’ANR du calcium a été augmenté suite à des pressions politiques importantes des lobbys du lait (comme celui des producteurs laitiers du Canada). Ainsi, il est maintenant, à toutes fins pratiques, impossible d’obtenir l’apport recommandé sans consommer de lait et ses dérivés.(4,5)

Un plafond d’absorption

La notion de plafond d’absorption, pourtant fort importante, est trop souvent négligée lorsqu’il est question de calcium. Le plafond d’absorption est la dose maximale qui peut être absorbée par l’intestin. Lorsque la dose ingérée est trop élevée, l’intestin ne peut pas absorber l’excédent au-delà de ce plafond. Cette notion est bien acceptée quand il s’agit de vitamine C, de magnésium ou encore de glucosamine. En effet, Santé Canada a émis une dose limite pour la vitamine C de 2000mg par jour. Cette limite maximale est fonction du plafond d’absorption qui est de 1000mg par dose (2 doses par jour = 2000mg). En effet, si vous prenez plus de 1000mg de vitamine C par dose, vous courez le risque d’avoir des selles molles. Lorsque la dose dépasse la capacité d’absorption de l’intestin, la quantité de vitamine C non absorbée demeure dans l’intestin et peut causer des selles molles. Cependant, l’établissement d’une dose limite par Santé Canada semble impliquer que le fait de dépasser cette dose de 2000mg par jour serait dangereux, ce qui est faux.

Le cas du magnésium est similaire. Santé Canada a établi une dose maximale de 350mg par jour. Encore une fois, cette dose est basée sur le plafond d’absorption et le seul risque encouru, au-delà de cette dose, est d’avoir des selles molles à une exception près, les personnes atteintes d’insuffisance rénale devrait consulter avant de prendre quelque supplément de magnésium que ce soit. De plus, cette dose est arbitraire puisque la quantité de magnésium non absorbé peut varier en fonction du sel de magnésium choisi (par exemple, l’absorption de l’oxyde de magnésium est très mauvaise alors que celle du citrate et de l’aspartate est très bonne).

Le plafond d’absorption du calcium est documenté depuis les années ’70,(6) et pourtant, on n’en entend jamais parler. Ce plafond se situe à 500mg par dose.(7) Au-delà de cette dose, l’absorption est réduite et le surplus de calcium demeure dans l’intestin. Dans le cas du calcium, une surdose a pour effet secondaire de la constipation plutôt que des selles molles. Comme pour les autres nutriments, la biodisponibilité du calcium est augmentée par un fractionnement de la dose au cours de la journée. En effet, une dose unique de 1000mg est moins bien absorbée (par un facteur de 60%) que cette même dose divisée en 3 ou 4 prises par jour.(7)

On voit encore fréquemment des prescriptions de suppléments de calcium de 1000mg à 1500mg par jour. L’utilité de ces doses élevées est remise en question. Il est vrai que certaines recherches sur l’ostéoporose ont étudié l’effet de doses importantes de calcium. Par contre, lorsqu’on évalue les résultats de nombreuses études, on se rend compte que la dose de calcium n’est pas un facteur très significatif. En effet, les études n’utilisant que du calcium ont montré très peu d’effets probants sur la prise de masse osseuse et la diminution des fractures.(8) Seules les études dont le protocole contenait de la vitamine D, peu importe la dose de calcium, ont révélé des effets positifs intéressants.(9)

Effet pervers d’une surdose de calcium

La constipation n’est malheureusement pas le seul effet secondaire d’une surdose de calcium. Les cellules qui fabriquent l’os, les ostéoblastes, en sont aussi affectées. Contrairement à ce qui est enseigné par ceux qui vendent du calcium, une surdose de calcium, plutôt que de stimuler ces cellules, empêche leur fonctionnement normal, les rend séniles et inhibe même leur capacité de reproduction. C’est ce qu’a démontre Klompmaker.(10) Il a mis en évidence un mécanisme de vieillissement des ostéoblastes lorsque celles-ci sont « trop bien nourries ». Cette nouvelle compréhension de l’effet du calcium pourrait expliquer pourquoi l’ostéoporose est plus présente dans les pays où l’on consomme beaucoup de produits laitiers, par rapport à ceux où l’on en consomme très peu.(11)

Le débat sur l’ostéoporose est très complexe et loin d’être terminé. Il existe de nombreuses théories et beaucoup d’intérêts financiers, et l’information objective est difficilement accessible. Je me suis donc penché sur ce sujet fascinant et j’ai décortiqué les données disponibles pour y voir clair. J’ai décidé de dévoiler les résultats de mes recherches dans un ouvrage très bien référencé mais accessible à tous: S.O.S. OS : des os solides à tout âge! (12) Ce livre répond de façon pragmatique à plusieurs interrogations à propos de la santé osseuse. Les réponses qu’on y trouve en surprendront plusieurs.

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Références :

1. Energy and Nutrient Intake in the European Union. Ann Nutr Metab 2004;48(suppl 2):1–16

2. Michael Gibney, chair. Nutrition & Diet for Healthy Lifestyles in Europe http://eurodiet.med.uoc.gr/

3. Barger-Lux MJ, Davies KM, Heaney RP. Calcium Supplementation Does Not Augment Bone Gain in Young Women Consuming Diets Moderately Low in Calcium. J. Nutr. 135: 2362–2366, 2005.

4. Campbell TC. RDA’s: Time to Peel Back the Labels. The Nutritionadvocate.com Vol. 3, No. 9 - September 2005 http://www.nutritionadvocate.com/story/rdas.html

5. Willett WC, Stampfer MJ. Rebuilding the Food Pyramid. Scientific American. December 17, 2002 (www.sciam.com )

6. Heaney RP, Saville PD, Recker RR. Calcium absorption as a function of calcium intake. J Lab Clin Med. 1975 Jun;85(6):881-90.

7. Heaney RP, Weaver CM, Fitzsimmons ML. Influence of calcium load on absorption fraction. J Bone Miner Res. 1990 Nov;5(11):1135-8.

8. Shea B, Wells G, Cranney A, et al. Calcium supplementation on bone loss in postmenopausal women. Cochrane Database Syst Rev. 2007 Jul 18;(1):CD004526.

9. Avenell A, et al. Vitamin D and vitamin D analogues for preventing fractures associated with involutional and post-menopausal osteoporosis. Cochrane Database Syst Rev. 2005 Jul 20(3):CD000227.

10. Klompmaker TR. Lifetime high calcium intake increases osteoporotic fracture risk in old age. Med Hypotheses. 2005;65(3):552-8.

11. International Osteoporosis Foundation (IOF – OMS) Facts and statistics about osteoporosis and its impact http://www.iofbonehealth.org/facts-and-statistics.html#factsheet-category-22

12. Dionne, Jean-Yves. S.O.S. OS : des os solides à tout âge! John Wiley & Sons Canada, 2008.

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